La Passion et la Raison

Je relance ici le sujet pour ne pas troller davantage le fil des photographies Full Frame "complexées" de notre ami cristof 

En réaction aux commentaires de Gil et Jello B.
...

Voici ce que je eressens depuis quelques temps déjà, en pratiquant et en enseignant la photo : les effets d'annonces, le marketing de la nouveauté à tout prix, la hausse des tarifs, les rumeurs, les magazines, les blogs et les forums (ben oui) se conjuguent et dépassionnent progressif de nombreux amateurs pour la pratique de la photographie. C'est une vision pessimiste, je l'accorde, mais je la ressens en classe et en moi-même.

Parfois, je me dis (en souriant) que pour avoir la paix, pour ignorer cette guerre de la nouveauté à laquelle jouent les principaux acteurs "innovateurs", je devrais acquérir le plus haut du numérique, un Leica ou un moyen format 

Je crois fermement que seul un projet photographique peut sauver le photographe amateur de la noyade des acquisition inutiles. Il faut mettre le rêve de côté et ne tenir que l'aspect pratique utile. Ce que j'écris ici viens du cœur, car c'est ce que je vis en ce moment. Je suis tiraillé entre une passion coûteuse, la photo, que beaucoup de personnes pratiquent et où je trouve de moins en moins d'espace créatif, et mon retour à l'illustration par le biais de la pyrogravure.

Mis à part les Sigma DP que j'ai l'intention d'utiliser jusqu'à leur mort mécanique , repartir de zéro en liquidant le reste me serait plus facile si je n'avais pas tant dépenser ces dix dernières années.

Mon rêve, donc peut-être celui à mettre côté, un Sony A7 (ii?) (que j'ai encore pris en main hier). Et quelle combinaison optique en y mettant le prix ? les Zeiss Batis 25/2 et 85/1.8, ainsi que le Samyang 50/1.4 (costaud la bête) ? Les Voigtlander manuels 28/2 et 75/1.8, beaux et nettement moins chers, en récupérant mon Nokton 50/1.5 qui équipe un Olympus ? Mais serais-je plus heureux pour autant ? Je ne le crois pas !

La raison, ce que j'appelle l'aspect pratique utile, me dit de rester fidèle au système µ4/3. Pourquoi me contenter de ce système ? Parce que dans l'âme, je suis très attaché au support livre, et que mes impressions ne dépassent pas le format 30x40 pour inviter le spectateur dans la photo. Ensuite, parce que la légèreté du matériel et la discrétion dans la prise de vues sont les facteurs clés de ma vision, de mon plaisir, de la pratique de la photographie.

Oui, je regrette beaucoup l'impossibilité d'obtenir les faibles profondeurs de champ doucereuses du Full Frame, mais le tirage du µ4/3 offrent l'avantage, par exemple, d'obtenir l'équivalent d'un 70-200/2.8 qui n'a pas la taille et le poids d'un thermos 1,5L rempli  

Voilà, j'ouvre peut-être ici la Boîte de Pandore... Mais c'est mon impression perturbée entre mon envie de 24x36 et ma raison gardée pour le µ4/3... En attendant une nouvelle série de compacts Foveon, qui sait, plus lumineux. Sigma  

Ouf...le titre est moins effrayant que celui que j'avions suggéré qui faisait un peu sujet de philo .

 Attention, roman! Je pose le contexte...

 J'ai longtemps été malade de GAS et ce n'est peut-être pas tout à fait fini; achat bête et compulsif de matériel photo parfois onéreux, guidé par une insatisfaction éternelle et peut-être par des causes plus profondes relevant de la psychanalyse, mais laissons ça de coté.
Je cherchais "la qualité d'image" sans pour autant, je l'espère, négliger la quête de la qualité des images. Ayant démarré la photo à la fin de l'age d'or de l'argentique (en 1998, à 18 ans) , j'ai reçu en pleine figure la révolution numérique et son cortège de progrès rapides que le marketing décrivait (et c'est toujours le cas) comme "fulgurants".

Mon premier numérique après mon Minolta X500, 3 boitiers argentiques Canon, et un Pentax: le Canon 300D, un des premiers DSLR abordables (un smic+10%) sur lequel mes objos Canon pouvait continuer de servir. N'ayant aucune culture numérique à cette époque (2003) et pas même un ordi chez moi (!!!) j'ai vite abandonné l'affaire pour revenir au film, et aux changements de matos . Le rendu lisse des tirages et les hautes lumières mal rendues des jpegs m'étaient insupportables.

 Puis, rapidement, pour mon boulot de...photographe, j'ai du apprendre les bases de la photo numérique. La boite ou je bossait faisait sa bascule. Bonjour mac, camera raw, photoshop, les premiers LR! Et encres pigmentaires, clés USB, envoi de photos à chaud...une révolution! Je suis longtemps resté partagé entre l'argentique (le rendu de la Velvia 50) et le numérique que je comprenais de mieux en mieux...mais qui progressais très vite, marketing hurlant, sirènes des gouffres financiers, magazines et sites techniques acquis à la cause, vitrines rutilantes...

 Mes boitiers numériques me paraissaient toujours largués, plus au niveau, un autre faisant toujours "mieux" ou "pas pareil"...alors, mouton malgré moi (?) je con-sommais encore et encore, boitiers et optiques. J'étais pris et mal pris comme on dit ici. Canon/Nikon/Canon/autre Canon/NikonFF/Canon/Fuji/Sony/Nikon/Nikon/Sigma/Nikon/Fuji/Canon/Pentax...bref, jamais satisfait malgré la qualité incontestable du matériel. J'ai perdu des milliers d'euros...comme un âne. Même durant les années sombres (31-34 ans) ou tout se brouillait (je ne développerais pas), le GAS persistait me conduisant à de sérieux ennuis financiers, entre autres. Vivre de la photo, c'est plutôt dur quand on est ni un génie ni un marchand de tapis  

 Puis, sortant lentement du trou partiellement creusé par moi-même, est venu le temps de la remise en cause générale. Et la photo n'y a pas échappé, bien évidement. J'ai regardé mes images avec un recul jusqu'ici inconnu. J'ai essayé "autre chose". Les pannes successives de mes Fuji et du Pentax aidant, je me suis débarrassé (et ça continue) du superflu dans ma pratique amateur, pour devenir un quelque sorte un (ultra?) minimaliste. Et ça me va, on dirais. Le GAS me ronge de moins en moins, après de années de désastre, je ne veux plus rien d'autre qu'un boitier simple (Sigma est pas mal dans le genre) , un objectif et aller faire des images avec. Le/les "projets" naissent ou ressurgissent.

 En un mot: YES!!!!

 Fin du roman, désolé.

Malheureusement c'est notre société qui veut ça , j'ai eu ce genre de travers dans l'achat d'instruments de musique compulsif et maintenant avec juste un piano je suis bien plus créatif et je pense que pour la photo c'est pareil, la finalité ce n'est pas d'avoir le meilleur appareil mais déjà de sortir le meilleur de ce qu'on a déjà.

Oh, que je suis heureux de voir se lancer le sujet, le débat, la discussion.

Pour être honnête, j'ai cru trouver mon Graal photographique, lorsque j'ai eu mon Leica M8 avec son Summicron 35 f/2. Je faisais corps avec lui, nous étions en osmose parfaite. Il était à la fois simpliste et lourd, exigeant et imprévisible, mais il me suivait partout! Hélas, les 700€ de devis, pour un obturateur HS à moins de 5000 clics, m'ont rappelé qu'on ne roule pas en Mercedes avec le budget d'entretien d'une 2CV. Alors, j'ai dit que je n'étais pas financièrement fait pour Leica, même pour le Monochrom dont je rêvais.

Comme toi, le µ4/3 m'apporte une sérénité, faite de performances et de légèreté, mais m'a relancé dans la course à l'armement :
- un E-M5 mk1 excellent en performances/prix, et un E-P5 au cas où
- un 20 f/1.7 parce qu'il est compact au quotidien
- un 30 f/2.8 parce que la macro est l'un de mes thèmes préférés
- un 45 f/1.8 parce qu'il excelle en portraits
- etc...
- un 12 f/2 et un 75 f/1.8 complèteraient bien cela
Bref, c'est infini, ça ne s'arrête jamais, ça sort peu du placard, c'est de l'argent immobilisé pour rien!

Alors, pourquoi le Foveon ? J'y étais venu, il y a un an, environ ; un échange pour le DP2M, une amie pour le DP1M.
Ce fut le bonheur, mais j'avais promis des photos, et le Foveon était inadapté. Alors, ce fut le divorce.
Et de nouveau la course à l'armement, qui m'a mené sur le chemin du µ4/3, parce qu'il le fallait.

Pourtant, je reviens au Foveon, et cette fois vraiment c'est pour de bon!
Parce que je suis las de la course au matériel, à la nouveauté, au piqué.
Parce que, même avec un capteur MF de 150MPix, on ne fait pas mieux.
Combien d'argent ai-je laissé dans le matériel photo. C'est une horreur!
Il y a un moment où il ne faut parler que photo, ne pas parler matériel.

J'y suis désormais !
Toi tu es dans les livres.
Moi, je me lance dans les expos.
J'ai quitté le mode S pour le mode A.
Le DPxM est le prolongement de mon regard.
Il est cette photo posée et émotive que je veux.

Sans doute y a-t-il mieux, à 5000€ le boitier, à 2000€ l'objectif.
Et après ?
La photo sera-t-elle meilleure ?
En termes de piqué, peut-être.
En termes d'émotion, pas sûr!

Mon petit Leica C est toujours disponible, au quotidien.
Mes Sigma DPxM dont OK, quand je pars photographier.
Alors... What else ?
Avoir un boitier cher et snob, que je n'ose pas sortir?
Avoir un boitier gros et lourd, que je n'ose pas sortir?
Inutile! Absurde!

Mes Sigma DPxM ne sont pas parfaits.
Mes Sigma DPxM sont juste ma vision.
Et c'est bien là qu'est mon essentiel.

Udel a écrit: seul un projet photographique peut sauver le photographe amateur de la noyade des acquisition inutiles. Il faut mettre le rêve de côté et ne tenir que l'aspect pratique utile

Après avoir écrit une tartine je viens de me rendre compte que ma conclusion, si elle est dite autrement, est exactement la même que la tienne...

Udel a écrit:seul un projet photographique peut sauver le photographe amateur de la noyade des acquisition inutiles. Il faut mettre le rêve de côté et ne tenir que l'aspect pratique utile.

Je rejoins aussi cette vision qui, en rappel à ton titre, est à la fois PASSION et RAISON.

PASSION, parce que, lorsqu'un photographe définit un projet, c'est avec le coeur.
RAISON, parce que, lorsqu'un photographe définit ses outils, c'est avec l'argent.

Ne soyons pas dupes! Sauf de rares exceptions, nous ne pouvons acheter le dernier Leica M10 avec 1 Noctilux et 1 Summilux.
C'est souvent plus cher que la voiture qui nous sert pour aller au travail ou en sorties.
Parfois même, c'est plus que le salaire annuel de certains d'entre nous.
Ca m'a fait mal quand, sur un forum connu, je voyais banalement se vendre des boitiers à plus de 5000€ comme de petits pains.

Cette année, et sans nul doute les prochaines, déçu par un concours photo (en novembre 2016) qui m'a confirmé de manière ô combien visible que le copinage faisait partie du règlement, je ne cours ni après les récompenses ni après les commandes (j'ai travaillé, pendant des années, en photos sur concours équestres, ce qui serait un peu difficile au DPxM je le concède), et j'ai juste décidé de me faire plaisir, à la fois en replongeant mes mains dans le "cambouis" du labo argentique avec un délicieux Diana F aussi imprévisible qu'attachant, et, à l'autre bout de l'échelle, en me plongeant dans l'apprentissage des subtilités du Foveon pour simplement exposer mes clichés.
Oui, la passion et la raison photographiques ne se définissent-elles pas aussi par le partage?
N'êtes-vous pas triste, en voyant vos DD emplis de dizaines de milliers de clichés, que ce ne soient que des JPG qui mourront de la mort du support ou de la mort du protocole de lecture?
Pourquoi ne pas offrir à autrui les émotions qui nous ont traversés à la prise de vue?
Pourquoi ne pas embellir notre voisinage, les bars ou les salons de coiffure, les halls d'accueil ou les chambres d'hôtel, et tutti quanti?
Pourquoi ne pas travailler nos photos, les imprimer, les encadrer, les afficher, pour faire jaillir les émotions de qui les verra?
Pourquoi ne pas offrir de la joie, du rêve, de la nostalgie, de l'interrogation, à ces passant(e)s auxquels peu importe votre nom?
C'est ce que je veux faire et, petits boitiers au rapport performances/prix idéal pour ces agrandissements, les DPxM me sont passion et raison.

Yes euh..., "Stick to Basics", mes potes:



Données "Exif" ? : "Vas te faire F**tre!"

..., mais c'était du "Leica" , c'est vrai... .

personnellement, si j'enlève l'irraisonnable et la passion en photo, je me mets demain à la pola...
maintenant j'avoue que j'aimerais posséder un Leica simplement pour le bel objet, 

)

Hûk! a écrit:..., mais c'était du "Leica" , c'est vrai... .

Bé non ... même pô ...
(un Rolleiflex et un Contax)

http://www.lemonde.fr/arts/article/2015/08/10/les-photos-du-debarquement-de-robert-capa-au-c-ur-d-une-polemique_4719583_1655012.html

Gil a écrit:

Udel a écrit:seul un projet photographique peut sauver le photographe amateur de la noyade des acquisition inutiles. Il faut mettre le rêve de côté et ne tenir que l'aspect pratique utile.

N'êtes-vous pas triste, en voyant vos DD emplis de dizaines de milliers de clichés, que ce ne soient que des JPG qui mourront de la mort du support ou de la mort du protocole de lecture?

Par quel phénomène plus rien ne marcherait d'un seul coup ??? Une action divine ??? Un météorite ???

De la Disquette 5"1/4 au SSD du SCSI au Thunderbolt 3 rien ne c'est perdu ou volatilisé .... heureusement !!!

Faudrait arrêter un peu avec ces rumeurs forumesques ....

Eh bien, parlons simplement des dinosaures que sont aujourd'hui les films 24x36.
Le support existait depuis des dizaines d'années, et nul n'imaginait que le numérique le rendrait obsolète, ni que des normes déclareraient les produits dangereux, ni que...

Aujourd'hui, nos photos sont des fichiers .jpg mais, demain, seront-ils toujours stockés sous forme de fichiers issus d'un système lui-même issu du Basic, et auparavant fait de 0 et de 1?
Quand, dans des générations, nos descendants retrouveront, au fond d'un grenier, un DD dont ils ne sauront plus extraire quoi que ce soit, tandis que, si nous avions fait des tirages sous verre, avec ces encres conçues pour durer cent ans au moins, ils seraient toujours vivants...

Gil a écrit:Eh bien, parlons simplement des dinosaures que sont aujourd'hui les films 24x36.
Le support existait depuis des dizaines d'années, et nul n'imaginait que le numérique le rendrait obsolète, ni que des normes déclareraient les produits dangereux, ni que...

Aujourd'hui, nos photos sont des fichiers .jpg mais, demain, seront-ils toujours stockés sous forme de fichiers issus d'un système lui-même issu du Basic, et auparavant fait de 0 et de 1?
Quand, dans des générations, nos descendants retrouveront, au fond d'un grenier, un DD dont ils ne sauront plus extraire quoi que ce soit, tandis que, si nous avions fait des tirages sous verre, avec ces encres conçues pour durer cent ans au moins, ils seraient toujours vivants...

Alors tu as de la chance ... l'argentique revient en force (Nouvelle péloche Kodak), le super 8 aussi (encore Kodak) ... la platine vinyle qui fait scratch scratch aussi ...
(Pas Kodak ...)

L'est pô belle la vie ...

Ouais ben moi, j'ai toujours mon labo N&B, mais les produits de traitement ont désormais plein d'étiquettes, avec des têtes de mort.
Elles me me disent que je vais mourir empoisonné, dans d'atroces souffrances, en passant par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
Tout ça pour dire, en recentrant le débat à son aube, que le grain de l'argentique et le piqué du Merril constituent mon équilibre.

Ca y est, j'ai ma réponse, qui n'est donc que la mienne.
Finis les matériels à profusion, qui dorment au placard.
Une triplette Merrill, ça suffit, ça bouge, ça travaille.
A chacun son Graal; j'ai trouvé le mien en une triade.

Ces derniers temps, seul le DP2M sort. Le reflex SD14 reste au placard...ce qui est un peu dommage, je n'aime pas le matos qui dort. Je le garde comme appareil de "secours" au cas ou le Merrill en viendrait à passer à l'ouest, il me faudra alors trouver un 30mm pour remplacer le trop compliqué zoom 17-70.

Jello B a écrit:remplacer le trop compliqué zoom

J'aime cette phrase, quand tous les tenants du zoom polyvalent, qui te scotche à ta place, clament le contraire.
Quand je couvrais des sujets aussi différents que des compétitions équestres ou des mariages, je travaillais en focales fixes.
J'avais commencé, comme presque tous, avec le duo 24/70 f/2.8 + 70/200 f/2.8, avant de passer aux fixes lumineux.
Avec le zoom, le temps que je cadre, décadre, recommence, ça n'allait pas plus vite que de bouger avec un fixe!